Kim Waldron

Même jour – 2012

15 impressions jet d’encre et journals

Ce texte est une lettre adressée au premier ministre Jean Charest, encadré et accroché dans l’exposition Même jour (traduit de l’anglais par Jean-Sébastien Leroux):

Monsieur Jean Charest,

Jusqu’à maintenant, on ne pourrait pas dire que le dialogue direct entre les associations étudiantes et votre gouvernement est ce qui qualifie le mieux le conflit étudiant, loin de là. Votre refus de négocier a mené à des attaques et à des contre-attaques livrées publiquement dans les médias. Après trois mois de manifestations, les deux camps tenaient quotidiennement des conférences de presse, et les messages véhiculés étaient pour le moins embués de rhétorique. En tant qu’étudiante, il n’était pas très facile de prendre une position objective dans cette mer de désinformation. À la fin mai, votre gouvernement s’est finalement résolu à s’asseoir à la table des négociations avec les étudiants. Plusieurs jours plus tard, vous vous retiriez des négociations en affirmant demeurer ouvert aux discussions.

Tout cela me laisse perplexe. D’un côté, vous dites être disposé à discuter, mais de l’autre, vous condamnez le seul forum de discussions constructives. Je suis tout aussi perplexe devant l’adoption de la loi 78, présentée comme la seule issue possible à la crise. Je ne suis pas d’avis que la loi 78 était le seul et unique moyen de résoudre le conflit étudiant et, plus inquiétant encore, je doute fort de votre volonté d’agir pour le régler.

En qualité de citoyenne respectueuse des lois de mon gouvernement, je m’interroge sur la légitimité de cette loi spéciale, qui laisse clairement entendre qu’il y a maintenant un prix exorbitant rattaché au droit de grève. Dans toute démocratie, il ne devrait jamais être illégal de faire la grève (et par grève, j’entends le droit des étudiants d’arrêter temporairement d’aller en classe pour protester contre la hausse des droits de scolarité). Il ne fait aucun doute que des amendes pouvant aller jusqu’à 125 000 $ ont influé sur la manière dont les représentants de mon association étudiante fonctionnent. Cette loi place désormais le fardeau de la preuve sur les épaules de mon association. Autrement dit, toute implication dans une manifestation étudiante peut justifier l’arrêt immédiat de son financement jusqu’à preuve du contraire. Par la menace de représailles financières, la loi 78 sert tout simplement à intimider et à diaboliser le mouvement étudiant qui souhaite exercer son droit démocratique et légitime de faire la grève. La Commission des droits de la personne vient d’ailleurs de joindre la position du haut commissaire de l’ONU Navi Pillay et du Barreau du Québec en dénonçant la loi 78, jugeant qu’elle porte atteinte aux libertés fondamentales des Québécois.

La position de votre gouvernement est claire : ceux qui bénéficient de leur éducation doivent en payer le prix, une position à laquelle j’adhère. Seulement, j’ajouterais que c’est l’ensemble de la société qui profite des retombées d’une population instruite. Vos ministres de l’Éducation ont maintes fois souligné que la hausse n’est pas déraisonnable si nous comparons les droits du Québec à ceux des autres provinces canadiennes ou au coût de l’enseignement supérieur aux États-Unis. Mais pourquoi faudrait-il s’inspirer de ces modèles pour le Québec? Abstraction faite de mes convictions personnelles, j’accepterais volontiers une hausse des droits de scolarité si on pouvait m’expliquer clairement sa nécessité. Si la hausse proposée est inévitable et que votre gouvernement ne voit aucune autre solution pour atteindre l’équilibre budgétaire, comment se fait-il que vous ne soyez pas en mesure d’exposer calmement vos conclusions aux étudiants?

Étant donné que presque tous les échanges de votre gouvernement avec les étudiants sont passés par le filtre des médias, j’ai souvent mis en doute la bonne foi de vos déclarations. Dans ce contexte, comment puis-je être certaine de la véracité de vos propos?

Kim Waldron
Étudiante et artiste